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samedi 8 septembre 2012

Nanotechnologies (1)


Au cours de l’année scolaire 2011-2012, dans le cadre d’une césure à l’ENSTA ParisTech, j’ai suivi le master 2 Nanosciences dans la filière Nanodispositifs et nanotechnologies à l’Université Paris-Sud XI. Définir les nanosciences est aujourd’hui encore un enjeu. Wikipedia nous propose la définition suivante : « l'ensemble des études et des procédés de fabrication et de manipulation de structures, de dispositifs et de systèmes matériels à l'échelle du nanomètre (nm) » - un nanomètre étant un millionième de millimètre. Comment peut-on définir une science par la taille des objets qu’elle concerne ? On ne regroupe pas au sein d’une même science l’industrie du BTP, la filière nucléaire et le ferroviaire bien que les ponts, les centrales nucléaires et les trains sont des objets qui ont à peu près la même échelle. C’est pourtant bien ce qu’essaient de faire les nanosciences. Quelle sont donc les particularités inhérentes aux objets à l’échelle du nanomètre qui induisent cette dénomination ? 

Pourquoi les sciences de ces trois objets, pourtant de taille comparable, ne sont pas réunies autour d’une même science ? 




Il faut déjà se rendre compte de ce qu’est le nanomètre. Un des objets les plus connus qui mesure environ un nanomètre est l’ADN. Le globule rouge, qui mesure quelques micromètres, est mille fois plus gros que l’ADN. La fourmi, d’environ un millimètre est mille fois plus gros que le globule rouge. Enfin, l’homme est, quant à lui, mille fois plus grand que la fourmi. Les nanosciences traitent donc de choses extrêmement petites. Afin de mieux se rendre compte de ce que représente le nanomètre, on peut raisonner sur des objets de grande taille. Par exemple, si l’homme était le Soleil, alors la fourmi serait aussi grosse que la Lune, le globule rouge aussi gros que le mont Everest et l’ADN, représentatif du nanomètre, serait, lui, aussi grand qu’un homme. Le nanomètre est aussi petit par rapport à nous que nous le sommes par rapport au Soleil. Une autre manière de se rendre compte de combien un nanomètre est petit est de penser à la croissance de nos cheveux. Le temps de prononcer le mot « nanomètre » et nos cheveux ont poussé de 10 nanomètres ! Cependant, il existe bien plus petit encore mais je laisse les physiciens des particules en parler. 


À l’échelle du nanomètre, les lois de la physique ne sont plus celles dont nous avons l’habitude. Les objets ne sont plus gouvernés par la gravité mais par des forces électrostatiques avec ce qui les entoure. Une manifestation commune de cette force peut se retrouver dans la goutte d’eau. Lorsque je lâche un objet, il tombe au sol à cause de la gravité. Maintenant, si j’essaie d’appliquer le même raisonnement à chacune des molécules qui composent une goutte d’eau (une molécule d’eau environ un nanomètre), alors elles devraient toutes tomber et puis, une fois sur une surface, comme elles se gêneraient les unes les autres, elles devraient s’étaler sur cette surface formant une pellicule d’eau extrêmement fine. Cependant, vous aurez sans doute remarqué que parfois, elles s’agglomèrent sous forme de gouttes sur cette surface. La goutte a une certaine épaisseur et taille. On ne retrouve pas la pellicule extrêmement fine décrite à l’instant. C’est parce qu’à l’échelle des molécules d’eau, la gravité n’est pas la seule force à prendre en compte. Les molécules d’eau s’attirent les unes les autres, c’est la force électrostatique. À cette échelle, celle-ci est bien plus forte que la gravité. C’est pour cela que les molécules d’eau préféreront s’agglomérer sous forme de gouttes, répondant ainsi à la force électrostatique plutôt que de s’étaler en un film mince conformément à ce que voudrait la gravité. Les objets que nous manipulons tous les jours (stylos, clés…) sont aussi soumis à cette force électrostatique, cependant à notre échelle, celle-ci est tellement faible qu’elle est négligeable et les objets se comportent comme s’il n’y avait que la gravité. C’est différent à l’échelle du nanomètre.
Les molécules d’eau se réunissent sous forme de gouttes et ne forment pas de pellicule fine sur la surface en verre. 

De même, la physique classique n’est plus de rigueur à cette échelle : la physique quantique prime. Cette physique, qui heurte le sens commun, est parfois tellement contre-intuitive que Richard Feynman, l’un des plus grands théoriciens de la physique quantique, a écrit : « Personne ne comprend vraiment la physique quantique. » Parmi les concepts fondateurs de la physique quantique, on trouve la quantification, soit le fait que nombre de caractéristiques comme l’énergie émise par les atomes, ne peuvent prendre leur valeur que dans un ensemble discret ou dénombrable de résultats tandis que la physique classique peut leur faire prendre une infinité de valeurs de manière continue. De même, le principe d’incertitude d’Heisenberg prédit qu’on ne peut connaître de manière extrêmement précise à la fois la vitesse d’une particule et sa position : toute précision supplémentaire sur l’une des caractéristiques engendrera une incertitude sur l’autre. Il existe plusieurs postulats à la base de la physique quantique et la simple application de ceux-ci aboutit à des résultats pour le moins étonnants comme l’effet tunnel, selon lequel une particule a une probabilité de franchir une barrière de potentiel a priori infranchissable. À notre échelle, cela équivaudrait à ce que l’on ait une chance de traverser un mur simplement en marchant. La physique à l’échelle des nanosciences est donc différente et déconcertante. 

La chimie, quant à elle, a aussi ses particularités à l’échelle du nanomètre. Un facteur déterminant lors d’une réaction chimique est le rapport surface sur volume des espèces considérées. En effet, la réactivité d’une molécule est proportionnelle à sa surface. Imaginons un cube d’un produit chimique d’un millimètre de côté. La surface sur laquelle d’autres produits vont pouvoir réagir avec le premier est la surface du cube soit 6 mm². Maintenant, imaginons que l’on coupe ce cube en mille cubes plus petits; chacun de ces petits cubes a un côté de 100 µm. Calculons la surface réactive de ces mille cubes plus petits. La surface d’un cube est de 60 000 µm² or il y en a mille. L’ensemble de la surface réactive est donc de 60 mm² soit dix fois plus de surface qu’avec un cube entier d’un millimètre de côté. Pourtant, la place occupée est restée la même. En divisant, le cube en mille cubes plus petits on a augmenté le ratio surface sur volume d’un facteur 10. Si on divise encore chacun de ces mille cubes en mille cubes plus petits, chacun de 10 µm de côté, on décuple encore le ratio surface sur volume et ainsi de suite… Si on continue à diviser ces cubes en cubes toujours plus petits jusqu’à atteindre un côté d’un nanomètre, on aura multiplié la surface disponible pour une réaction d’un facteur un million. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle vous mâchez vos aliments ! Imaginez que vous mangez une pomme de terre sans la mâcher. Le temps que prendrait votre suc gastrique dans votre estomac pour digérer cette pomme de terre est intuitivement bien plus long que si aviez pris le temps de réduire cette pomme de terre en plein de petits morceaux. C'est parce que divisée en petits bouts, la pomme de terre offre plus de surface pour se faire attaquer par le suc gastrique. Cependant, une pomme de terre mâchée ou non mâchée occupe la même place. On comprend dès lors l’intérêt des nanoparticules : elles sont plus beaucoup plus réactives que les particules à l’échelle microscopique tout en occupant le même volume (et donc coûtant aussi cher dans une première approximation). Cette particularité est beaucoup utilisée dans le monde des nanosciences afin de construire des nanomatériaux.

Si l’on découpe un cube en mille petits cubes, de combien augmente la surface disponible ? 

Mais comment faire pour fabriquer et manipuler des objets aussi petits ? Deux voies existent et cohabitent. La première approche, dite top-down, consiste à transformer de la matière première, en enlever des parties afin de n’obtenir qu’un objet de très petite taille. La seconde approche, dite bottom-up, consiste à partir de molécules et les assembler par réactions chimiques intermédiaires en un objet de la même manière que pour des Lego. Ces deux approches sont complémentaires. 

Nous venons de le voir, la nanoscience n’existe pas. On parle des nanosciences. Celles-ci concernent aussi bien la physique, la chimie que la biologie, la mécanique ou l’optique. Leur aspect pluridisciplinaire est pour moi l’une des principales raisons de l’intérêt que je leur porte. J’espère avoir pu au cours de cet article vous faire sentir quels sont les caractéristiques fondamentales du nanomonde qui font que l’on réunit autour d’une échelle des sciences très diverses. Vous vous demandez sans doute à quoi servent ces objets si petits. Ce sera l’objet d’un deuxième article…

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